Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Au-delà du mal, le blog des thrillers.
7 mai 2014

Interview exclusive de Michaël Mention

maxresdefault

Michaël Mention est un auteur que j’ai découvert dans un livre qui s’intitule Adieu demain. Ce jour-là, j’ai pris une claque. Le lendemain, j’ai décidé d’interviewer cet auteur. Je devais savoir qui il était, pourquoi il écrivait. Il a répondu à mes questions.

Bonne lecture.


1 - Bonjour Michaël. Merci d’avoir accepté cette interview. Bon, pour commencer et pour ceux qui ne te connaissent pas, qui es-tu?

Bonjour. Alors, j’ai 34 ans, je suis natif de Marseille, amoureux de Toulouse, domicilié à Paris, cinéphile, mélomane (fan de rock, prog, hip hop, électro), batteur lorsque j’ai une batterie et cuistot lorsque j’ai le temps.  

2 - Ton précédent livre, Fils de Sam, a connu un grand succès et continue de faire parler de lui. Qu’est-ce qui t'a poussé à l’écrire ? Ou plus généralement, comment décider du livre qu’on souhaite écrire ?

Heu … « grand succès », je ne pense pas ou alors je n’en ai pas été informé ! Ce que je sais, c’est que le bouquin a été bien accueilli, à en croire les lecteurs un peu partout. Ça m’a d’ailleurs rassuré car c’était la première fois que j’écrivais un True crime, à la croisée de l’essai et du docu-fiction.

Je me suis attaqué au Fils de Sam pour la même raison que j’ai écrit Sale temps pour le pays et Adieu demain à savoir désacraliser des tueurs - aux parcours différents mais soumis au même traitement médiatique qui en ont fait des icônes - pour revenir à l’essentiel : l’humain. S’il existe un fil conducteur dans tous mes bouquins, c’est celui-ci : chercher l’humanité dans la crasse, l’authentique derrière l’artifice.

51ZceG0CT-L

3 - Fils de Sam, tout comme Adieu demain, sont tirés de faits réels. Est-ce que cela veut dire que tu préféres la réalité à la fiction ?

Au contraire. Comme pour beaucoup d’auteurs, la fiction est pour moi un refuge essentiel. Le réel est souvent ennuyeux sauf, bien sûr, quand on le vit avec des gens sains dont les qualités transcendent cette réalité. Notre monde m’apparaît de plus en plus soumis au fric et à son culte avec ce que cela induit en aberrations sociales et géopolitiques … un monde déshumanisé où il faut « twitter » si l’on veut être « hype » avant d’aller à un « speed dating » et autres conneries.

Mon attachement à la fiction vient de là : dans mes bouquins - même les plus sombres - mes personnages échangent, communiquent, et vivent pour autre chose que le fric, le cul ou la gloire. Je ne m’intéresse aux faits divers que lorsqu’ils me semblent propices à être sublimés en fiction, car une affaire criminelle n’a rien de réellement passionnant : un coupable, des flics, une enquête et basta. Tout est dans le traitement de cette affaire, dans ce qu’elle révèle sur les mœurs et l’époque.

Par exemple, pour chacun de mes polars, les faits divers ne sont qu’un prétexte pour aborder une thématique : la décadence d’une société dans Fils de Sam, la transition avec Thatcher dans Sale temps pour le pays, la peur dans Adieu demain et il va de même pour mes autres bouquins.

4 - Adieu demain, sorti dans la collection Rivages/noir inédit et qui est ton petit dernier, est la suite de Sale temps pour le pays. Qu’est-ce qui t'a, un jour, amené à écrire sur les tueurs en série ?

À la base, le roman noir n’est pas mon genre de prédilection. Contrairement aux apparences, je n’ai jamais été « cramponné » au thème des tueurs en série. Entre 2001 et 2011, j’ai écrit du fantastique, de l’espionnage, de la politique-fiction et ensuite, j’ai eu besoin de me renouveler.

Comme je l’ai dit précédemment, je n’ai pas le sentiment d’écrire sur les tueurs en série, j’écris en partant d’eux pour cibler autre chose. Et puis, je suis un passionné d’Histoire.Un individu est toujours le fruit de son époque, qu’il soit politicien ou assassin. Nos actes et nos valeurs trahissent notre passé et par extension, notre histoire personnelle qui n’est que la version intime de l’Histoire.

Écrire sur les tueurs m’intéresse uniquement dans le cas où leurs parcours traduisent celui de leur pays. En ce qui concerne les bouquins sur « les tueurs originaux aux crimes bien gores sur lesquels enquêtent des flics divorcés qui se laissent pousser la barbe car ils sont à la dérive », je laisse ça à d’autres … notre époque est déjà vulgaire et racoleuse, je n’ai pas envie d’en remettre une couche.

5 - La peur est une matière intéressante à travailler, non ?

La peur est partout : à la télé (infos), dans la rue (accidents potentiels, agressions), au boulot (conflits avec clients, la direction), dans le couple (longévité) … nous alimentons notre soumission envers elle en cautionnant la vision du monde qui nous est imposée par les politiciens et les médias.

Et quand je dis « nous », c’est que j’ai parfaitement conscience d’être moi aussi l’acteur de mes peurs au quotidien. Ceci dit, la peur est aussi un moteur. À chaque bouquin, j’ai peur de me planter, d’écrire le « livre de trop », de décevoir les lecteurs … et c’est cette peur qui m’amène à chaque fois à me libérer un peu plus en écriture.

81EBd5kBVrL

6 - Quand as-tu su que tu allais devenir écrivain, et qu’est-ce que ce mot « écrivain » signifie pour toi?

Je ne l’ai jamais su, c’est arrivé « comme ça » après avoir découvert des livres et des films phares. Enfant je faisais du dessin, ado je réalisais des BD, adulte j’écris des bouquins … peut-être qu’à 50 ans, si j’y arrive, je ferai du cinéma.

Je ne sais pas ce que signifie « être écrivain » et je m’en fous. On parle d’activité ? De vocation ? De statut social ? J’écris, c’est un fait. Après, certains voient en moi l’un des nouveaux « prodiges du polar » alors que d’autres considèrent que je fais de la merde ! Ce qui m’intéresse, bien plus que de me penser « écrivain » ou de méditer sur le sens profond de ce mot, c’est de partager avec les lecteurs.

7 - La musique est très présente dans tes livres. Cela peut-il aussi vouloir dire que tu écris dans une atmosphère très musicale, dénuée de silence ?

La musique est tout pour moi, elle fait partie intégrante de ma vie. Elle a rythmé mon enfance, mes premiers flirts, mes voyages, mes bouquins. J’adore aller dans les festivals de polar (j’y rencontre des lecteurs, j’y retrouve des potes et je m’en fais d’autres) mais au bout de deux jours, la musique que j’aime me manque … surtout quand j’entends du Stromaé ou du Lady Gaga.   

8 - Une journée de travail à la Michaël Mention, c’est quoi ? Existe-il des jours sans écriture ?

Ta question est en lien direct avec celle concernant le statut d’écrivain car, à l’heure actuelle, je me sens plus chômeur qu’écrivain … du coup, j’ai beaucoup de temps pour écrire : en général, je me fais du 8h-20h voire plus (je déteste laisser une action en suspens alors je peux écrire jusqu’à 2 h du mat’). Le midi, je m’interdis de manger car, étant gourmand, j’ai du mal à freiner mon appétit : si je mange trop, j’ai du mal à me remettre au bouquin mais vers 17h-18h, là, j’ai la dalle alors c’est la pause « facebook-madeleines au chocolat » … palpitant, hein ?

Quant aux jours sans écriture, ils sont rares. Lorsque je termine un bouquin, j’ai un cafard énorme, je me sens inutile, nul. Pour moi, une pause entre deux bouquins est avant tout l’occasion de me détendre (essayer, du moins) mais l’envie revient vite : il y a toujours une lecture, un film ou un sujet pour déclencher une nouvelle obsession.  

9 - Tu travailles sur papier ou PC ?

D’abord sur papier où je conçois la structure du bouquin, et après sur PC pour mon « dossier/recherches » et la rédaction. Parfois, il m’arrive de décortiquer des scènes à la manière d’un storyboard, ce qui m’aide à mieux visualiser l’action (oui, c’est un reste de mes années BD). 

10 - La littérature numérique te plaît-elle ?

Alors là, je ne sais pas quoi répondre. Le numérique m’apparait tour à tour comme un gadget ou un progrès. Si ça permet d’ouvrir davantage la littérature et de la rendre encore plus accessible, c’est bien. Encore une fois, tout ce qui m’intéresse, c’est d’écrire. Les questions de statut, de diffusion, de supports … je m’en fous.

11 - Quels sont les auteurs qui t'ont le plus influencé ?

812sw7lLBXL

Nietzsche,Céline, La Fontaine, Ellroy, Peace, Rabelais, Thompson, King, McBain, Camus … la liste est longue. L’été dernier, je me suis enfin mis à Hemingway et En avoir ou pas m’a profondément marqué. Il y a dans ce bouquin un ping-pong permanent entre froideur et émotion. Chez Hemingway, plus c’est désespéré, plus c’est intense.

J’ai aussi été influencé par des réalisateurs comme Louis Malle, Martin Scorsese, Claude Sautet, Michael Mann, Jean-Pierre Melville, John Carpenter … quant à ma passion pour l’humour potache et les jeux de mots pourris, elle me vient de Hara Kiri et de films comme Les sous-doués, que j’adore. La nullité de ce film, en dehors du talent comique de Daniel Auteuil, est touchante puisque spontanée. 

12 - Quel (s) livre aurais-tu aimé écrire et pourquoi ?

Aucun, car j’ai trop conscience des limites de mon écriture. Quand je pense à Ainsi parlait Zarathoustra ou au Grand nulle part, je ne peux décemment pas y associer mon nom … c’est de l’ordre du blasphème.

13 - Ton livre Adieu demain me donne l’impression de « lire » un « film ». Vas-tu, un jour ou l’autre, écrire un film ? Ou peut-être est-ce déjà fait ?

Oui, c’est déjà fait avec un ami acteur/scénariste (Maximilien Poullein). Nous avons scénarisé trois de mes bouquins (qu’il a lui-même traduit) et cette collaboration s’est révélée si passionnante que nous avons conçu une trilogie « pulp » dans l’esprit de Sin city. J’aimerais en parler davantage mais je ne peux pas ou mon cher associé m’étriperait sur le champ … d’autant qu’il commence à passer sur TF1, alors il connaît « des gens » ;)

14 - Une dernière pour la route. Travaille-tu actuellement sur un livre ? Si oui, peux-tu nous offrir un scoop ?! Merci encore et à bientôt !!!

Après Adieu demain, j’ai enchaîné sur un bouquin radicalement différent, très loin des tueurs en série. J’en avais besoin, pour me renouveler. J’ai débuté en écrivant du fantastique et de l’espionnage, j’ai ensuite écrit des polars et là, je change encore … ça m’évite de m’encrouter dans un créneau.

Concernant le prochain bouquin, tout ce que je peux dire, c’est que ceux qui n’aiment pas mon écriture la détesteront encore plus et que je me ferai sans doute pas mal d’« ennemis » en raison du sujet ! Mais ce n’est pas grave, car je suis particulièrement heureux d’avoir écrit celui-ci. Il est terminé depuis deux mois et j’avais prévu de faire une grande pause pour me reposer mais le bouquin ayant trouvé un éditeur, je m’y suis remis pour le peaufiner. Et après, c’est sûr, je fais une pause ! 

Publicité
Publicité
Commentaires
Au-delà du mal, le blog des thrillers.
  • Vous voilà dans "Au-delà du mal" le blog des thrillers. Je suis chroniqueur sur le web et dans un journal, Le petit impertinent, diffusé dans tout le Golf de St-Tropez. Pour me rejoindre sur facebook: https://www.facebook.com/mickael.ferriz.3?ref=tn_tnmn
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Au-delà du mal, le blog des thrillers.
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 18 252
Pages
Publicité